L’absence de représentants des soldats africains lors des cérémonies de commémoration de l’Armistice ce lundi 11 novembre 2024 constitue une injustice profonde et un effacement inquiétant d’un pan crucial de l’histoire. Alors que la France se rassemble pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés au combat pendant la Première Guerre mondiale, il est inconcevable que les contributions et sacrifices des tirailleurs sénégalais (en réalité, des centaines de milliers de soldats venus de toute l’Afrique) soient systématiquement passés sous silence.
Les tirailleurs africains ont été plus de 200 000 à prendre les armes pour défendre un pays qui n’était pas le leur, un pays qui, malgré les expressions de reconnaissnce parfois du bout des lèvres, n’a vraiment jamais honoré pleinement les sacrifices de ces hommes, de leurs familles et du continent africain. Plus de 30 000 de ces soldats africains sont morts dans les tranchées, loin de chez eux, dans des conditions particulièrement éffroyables et souvent discriminatoires si on se rappelle les conditions, les lieux et les moments de leurs engagements en première ligne . Ce nombre témoigne du lourd tribut qu’ils ont payé et de la dette de mémoire que la France leur doit.
Or, chaque année, le 11 novembre passe, et leurs noms, leurs histoires et leurs descendants sont trop souvent oubliés ou ignorés lors des cérémonies officielles. Pour se rattraper ou donner le change, on organise des cérémonies « spéciales », « à part » ... Cette absence n’est pas simplement une question de protocole, elle est révélatrice d’un manque de reconnaissance et de considération. Les soldats africains ont combattu non seulement pour la France, mais aussi pour des valeurs universelles de liberté et de solidarité pour lesquelles la France prétend avoir combattu. Ne pas les représenter, c’est invisibiliser des vies sacrifiées et perpétuer l’oubli de l’histoire coloniale qui a marqué ces hommes.
Le silence de ce 11 novembre 2024 n’est donc pas un simple oubli, mais un mépris, implicite mais lourd de sens, à l'égard des sacrifices immenses de ces soldats. Cette omission est d’autant plus troublante dans un contexte où de nombreux descendants de ces combattants vivent encore en France et méritent de voir leurs ancêtres reconnus pour leur engagement. En omettant de rendre hommage à ces soldats africains, la France manque une occasion de réaffirmer son attachement à une mémoire partagée, juste et inclusive.
Le souvenir de ces tirailleurs doit faire partie intégrante des commémorations nationales. Le respect de leur mémoire est non seulement une question de justice, mais aussi une nécessité pour une société française qui se veut ouverte et reconnaissante de son histoire plurielle. Réparons cette omission, donnons à ces soldats africains la place qui leur revient lors des cérémonies de l’Armistice. Ils ont été le bouclier d’une France meurtrie par la guerre ; leur mémoire doit être, aujourd’hui et à jamais, protégée et honorée.